FR
Dans une interview de 1965, l’écrivain français Jean Giono exprimait sa vision du bonheur. « Le bonheur est à côté » 1, disait-il, il peut naître d’instants du quotidien parfois insignifiants et selon des prédispositions personnelles inexplicables : « une feuille de papier qui glisse bien » 2 au moment de l’écriture, « un travail bien huilé » 3, un ressenti particulier, la vue d’un objet, d’un paysage, peuvent devenir les catalyseurs d’une telle sensation. Ces moments apportent une profondeur supplémentaire au présent, aux choses telles qu’elles sont. Ils ouvrent à un ailleurs que le regard habituel ne perçoit pas. Cette exposition présente les œuvres d’artistes ayant retenu de tels instants.
L’espace du jardin accueille Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau. L’œuvre fait suite à deux précédentes versions de cette composition. Un tissu constitué de formes de losanges et d’écailles de cuir cousues, prend place dans l’espace extérieur et forme un ensemble dont la surface est traversée par la lumière, les feuilles, les ombres de la journée, les oiseaux. Elle évoque un état intérieur suspendu entre la terre et le ciel. L’expérience d’une « absence parallèle à la présence » 4 associée à des moments de divagation, de lecture ou d’endormissement, dans lesquels on s’extrait des dynamiques du monde.
Bianca Lee Vasquez explore les pouvoirs thérapeutiques de la terre. Soil High Series introduit dans l'espace d'exposition une portion de terre de compost fertile sur laquelle sont installées des figures en céramique. Une substance développée par l'artiste, composée d'un mélange de produits commerciaux existants et porteurs d'une bactérie active de la terre, est diffusée dans l'espace d'exposition. Une découverte récente sur les microbes du sol et la santé mentale a mis en évidence la capacité de la mycobacterium vaccae présente dans le sol à générer un sentiment de bonheur en augmentant les niveaux de sérotonine et de noradrénaline. En vertu de l'inhalation, l'œuvre d'art intègrera littéralement le corps du spectateur. L'installation sera activée par une performance de l'artiste.
Les tapisseries de Chloé Bensahel jouent sur le passage du visible à l’invisible. Une poésie rédigée sur des lamelles de papier japonais est encapsulée sur toute la longueur du fil de tissage. Des fragments de textes s’en échappent et parsèment la surface du tissu de variations chromatiques aléatoires. La poésie est présente mais ne peut être lue. Une fraction de texte apparaît au bout de la tapisserie, ou sur sa surface pour laisser une part d’interprétation au spectateur. « L’ambiguïté de lecture et d’interprétation » 5 à laquelle nous sommes souvent confrontés dans notre rapport au monde, provoque un inconfort que les œuvres invitent à apprivoiser.
Untitled (Chorin) de Nils Köpfer évoque les contours flous d’un paysage vu depuis un intérieur. L’image renvoie à une fugue hors du réel, comme celle d’un enfant qui plisserait les yeux pour réinventer le monde, ou la trace d’un souvenir lointain remodelé par la mémoire subjective. La pratique de la peinture est vécue par l’artiste comme un refuge, un espace qui s’entretient par petites touches « comme un jardin » 6. L’architecture ouverte sur l’extérieur évoque l’interpénétration entre la pratique picturale et le lien à la nature.
L’architecte Eleonora Santucci présente Les maisons que j’habite, une série de croquis initiée en mars 2020. Dans un effort de mémoire, l’architecte a reconstruit la structure de chaque pièce, meuble et détails des appartements où elle a vécu depuis qu’elle a quitté le domicile familial. « Représenter ces intérieurs était comme dessiner les lieux qui me définissent, où chaque pièce est un monde en soi » 7. Cette série de croquis se présente comme un remède au renoncement des espaces de vie qui nous ont constitué.
Les œuvres du duo Ornaghi & Prestinari investissent l’espace comme des ponctuations. Funambolo, une pince à linge en albâtre suspendue sur un fil tendu, semble parler pour nous. Comme une « poésie visuelle », elle condense dans sa forme un sentiment d’équilibre précaire et de doute existentiel. Chapeau prend discrètement la forme d’un bouchon en albâtre posé sur une bouteille de bière. Les objets manipulés et laissés après utilisation racontent à leur façon le cadre d’une scène de vie, d’une interaction sociale dont ils conservent la trace.
Les peintures de Charles Hascoët présentent des fragments de scène de vie dans de petits formats qui incitent au rapprochement. Les objets et les individus représentés semblent être animés par une volonté secrète et préservent dans leur contour le regard qu’on aurait porté sur eux. Un sentiment d’attente se manifeste sous la forme d’un cactus peu arrosé ; un citron posé sur ses rondeurs retient l’éclat particulier d’une journée ; un ami en état de confiance s’assoupit dans un fauteuil confortable ; les couleurs chatoyantes d’une bouteille de Listerine ravive un sentiment d’émerveillement.
1 Jean Giono, dans Jean Giono s'entretient avec Claude Santelli, émission « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [notre traduction], Ibidem, p. 92
5 Entretien avec l’artiste Chloé Bensahel, 17 juin 2021
6 Entretien avec l’artiste Nils Köpfer, 29 juin 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021
Livia Parmantier
DE
In einem Interview aus dem Jahr 1965 formulierte der französische Schriftsteller Jean Giono seine Vision vom Glück. “Glück ist gleich nebenan" 1, sagte er, es kann aus alltäglichen Momenten entstehen, die oft scheinbar unbedeutend und von unerklärlichen persönlichen Vorlieben abhängig sind: "ein Blatt Papier, das gut gleitet" 2 beim Schreiben, "eine gut ausgeführte handwerkliche Arbeit" 3, der Anblick eines Gegenstandes, einer Landschaft, können zu Katalysatoren eines solchen Gefühls werden. Diese Momente geben der Gegenwart, den Dingen, wie sie sind, eine zusätzliche Tiefe. Sie verweisen auf ein Anderswo, das dem gewöhnlichen Blick entgeht. In dieser Ausstellung werden künstlerische Arbeiten gezeigt, in denen solche Momente fixiert sind.
Im Gartenraum befindet sich Phaethon Part III, eine Installation von Alizée Gazeau. Die Installation folgt auf zwei frühere Versionen dieser Komposition. Die aus Rauten in Baumwolle und Leder genähte Struktur, deren Oberfläche vom Licht, den Blättern, den Schatten des Tages und den Vögeln durchzogen wird, bildet eine Entität außerhalb des Ausstellungsraumes. Sie evoziert einen inneren Zustand, der zwischen Erde und Himmel schwebt, eine Erfahrung von "Abwesenheit parallel zur Anwesenheit" 4, die sich in Momenten des Umherschweifens, des Lesens oder des Einschlafens einstellen kann, in denen man sich der Dynamik der Welt entzieht.
Bianca Lee Vasquez‘ künstlerische Forschung beschäftigt sich mit den therapeutischen Kräften von Schmutz. Mit Soil High Series kommt eine Portion fruchtbare Komposterde in den Ausstellungsraum, auf der Figuren aus gebranntem Ton installiert sind. Eine von der Künstlerin entwickelte Substanz bestehend aus einer Mischung kommerzieller Produkte, in denen aktive Bakterien enthalten sind, wird im Raum verteilt. Bei Experimenten zum Zusammenhang von Bodenmikroben und psychischer Gesundheit stellte sich kürzlich heraus, dass das im Boden vorhandene Mycobacterium vaccae das Potential besitzt, durch Steigerung des Serotonin- und Noradrenalinspiegels Glücksgefühle zu erzeugen. Durch Einatmen wird das Kunstwerk buchstäblich im Körper des Betrachters präsent sein. Die Installation wird durch eine Performance der Künstlerin eingeleitet.
Die Wandteppiche von Chloé Bensahel spielen mit dem Übergang vom Sichtbaren zum Unsichtbaren. Auf Streifen aus Japanpapier geschriebene Gedichte sind über die gesamte Länge in den Webfaden eingearbeitet. Textfragmente entweichen daraus und punktieren die Oberfläche des Gewebes mit zufälligen chromatischen Variationen. Die Poesie ist vorhanden, aber nicht lesbar. Reste des Geschriebenen erscheinen am Ende des Wandteppichs oder auf der Oberfläche des Gewebes und überlassen dem Betrachter einen Teil zur Interpretation. Die "Mehrdeutigkeit des Lesens und Interpretierens" 5, mit der wir in unserer Beziehung zur Welt oft konfrontiert sind, provoziert ein Unbehagen, zu dessen Zähmung uns diese Arbeiten einladen.
Untitled (Chorin) von Nils Köpfer erinnert an die verschwommenen Konturen einer Landschaft die von einem Innenraum aus gesehen wird. Das Bild bezieht sich auf eine Flucht aus der Realität; wie die eines Kindes, das blinzeln würde, um die Welt neu zu erfinden, oder die Spur einer fernen Erinnerung, die durch Subjektivität umgestaltet wurde. Malerei wird von Köpfer als ein Refugium erlebt, ein Raum, der durch kleine Eingriffe "wie ein Garten" 6 gepflegt wird. Die nach außen offene Architektur verweist auf eine Verflechtung der malerischen Praxis und eine Verbindung zur Natur.
Die Architektin Eleonora Santucci präsentiert Les maisons que j'habite (Die Häuser, in denen ich lebe), eine Serie von Skizzen, die im März 2020 begonnen wurde. Sich nur auf ihr Gedächtnis verlassend, rekonstruiert sie die Struktur jedes Zimmers, jedes Möbelstücks und jedes Details der Wohnungen, in denen sie seit dem Verlassen ihres Elternhauses gelebt hat. "Diese Interieurs darzustellen bedeutete, die Orte zu zeichnen, die mich definieren, wobei jeder Raum eine Welt für sich ist." 7 Diese Serie von Skizzen ist als Mittel gegen den Verlust der Wohnräume, die uns konstituiert haben, gedacht.
Die Arbeiten des Duos Ornaghi & Prestinari versehen dn Raum gleichsam mit Satzzeichen. Funambolo, eine Wäscheklammer aus Alabaster, die an einem gespannten Draht hängt, scheint für uns zu sprechen. Als visuelle Poesie verdichtet sie in ihrer Form ein Gefühl von prekärem Gleichgewicht und existenziellem Zweifel. Chapeau nimmt dezent die Form eines Alabasterkronkorkens an, der auf eine Bierflasche gesetzt wird. Die manipulierten und nach Gebrauch zurückgelassenen Objekte suggerieren auf ihre Weise den Rahmen einer Szene aus dem Leben, einer sozialen Interaktion, von der sie eine Spur bewahren.
Charles Hascoëts kleinformatige Gemälde zeigen Fragmente von Alltagsszenen, die zum genauen Hinsehen animieren. Die dargestellten Gegenstände und Personen scheinen von einem geheimen Willen beseelt zu sein und tragen in ihrer Kontur den Blick, den man auf sie geworfen hätte. Ein Gefühl der Erwartung manifestiert sich in Form eines spärlich gegossenen Kaktus; eine auf ihrer Wölbung ruhende Zitrone bewahrt den besonderen Glanz eines Tages, ein Freund döst vertrauensvoll in einem bequemen Sessel, die schimmernden Farben einer Listerine-Flasche vermitteln ein Gefühl des Staunens.
1 Jean Giono, in Jean Giono s'entretient avec Claude Santelli, émission « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [notre traduction], Ibidem, p. 92
5 Chloé Bensahel, 17 juin 2021
6 Nils Köpfer, 29 juin 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021
Livia Parmantier
EN
In a 1965 interview, the French writer Jean Giono expressed his vision of happiness. "Happiness is aside" 1, he said, it can be born from everyday moments, often seemingly insignificant and dependent on inexplicable personal predispositions: "a sheet of paper that slips well" 2 when writing, "a well executed piece of work" 3, a particular feeling, the sight of an object, of a landscape, can become the catalysts of such a feeling. These moments bring an additional depth to the present, to things as they are. They open to an elsewhere that the usual glance does not perceive. This exhibition presents the works of artists who have retained such instants.
The garden hosts Phaethon Part III, an installation by Alizée Gazeau. This composition is the third iteration of the artwork. A fabric made of rhombuses and sewn leather scales located outside the exhibition space forms a surface crossed by the light, the leaves, the shadows of the day, the birds. It evokes an inner state suspended between the earth and the sky, the experience of an "absence parallel to presence" 4 associated with moments of rambling, reading or falling asleep, in which one extracts themselves from the dynamics of the world.
Bianca Lee Vasquez explores the therapeutic powers of dirt. Soil High Series brings into the exhibition space a portion of fertile compost soil on which fired clay figures are installed. A substance developed by the artist, composed of soil and readily accessible commercial products which carry an active dirt bacterium, is diffused across the exhibition space. A recent discovery concerning soil microbes and mental health has highlighted the ability of mycobacterium vaccae present in soil to create a feeling of happiness by boosting the levels of serotonin and norepinephrine. By virtue of inhalation the artwork will literally be present in the body of the viewer. The installation will be activated by a performance by the artist.
Chloé Bensahel's tapestries play on the passage from the visible to the invisible. Poems written on strips of Japanese paper are encapsulated along the entire length of the weaving thread. Fragments of text escape from it and dot the surface of the fabric with random chromatic variations. The poetry is present but cannot be read. A fraction of text appears at the end of the tapestry or on the surface of the fabric to leave a part of interpretation to the spectator. The "ambiguity of reading and interpretation" 5 that we are often confronted with in our relationship to the world provokes a discomfort that these works invite us to tame.
Untitled (Chorin) by Nils Köpfer evokes the blurred contours of a landscape seen from an interior. The image refers to an escape from reality, like that of a child who would squint in order to reinvent the world, or the trace of a distant memory reshaped by subjectivity. Painting is experienced by the artist as a refuge, a space that is maintained by small touches "like a garden" 6. Open to the outside, he architecture points to an interconnectedness between the pictorial practice and the link to nature.
Architect Eleonora Santucci presents Les maisons que j’habite (The Houses I Live In), a series of sketches initiated in March 2020. Relying on her memory only, the architect reconstructed the structure of each room, piece of furniture and details of the apartments she has lived in since leaving her family home. "Representing these interiors meant drawing the places that define me, where each room is a world in itself." 7 This series of sketches acts as a remedy to having renounced the living spaces that once constituted us.
The works of the duo Ornaghi & Prestinari punctuate the exhibition space. Funambolo, an alabaster clothespin suspended on a taut wire, seems to speak for us. Like a "visual poetry", it condenses in its form a feeling of precarious balance and existential doubt. Chapeau discreetly takes on the form of an alabaster cork placed on a beer bottle. The objects manipulated and left after use suggest in their own way the frame of a life scene and preserve the trace of a social interaction.
Charles Hascoët's paintings present fragments of life scenes in small formats that incite us to look closer. The objects and individuals represented seem to be animated by a secret will and carry in their contour the look that one would have cast on them. A sense of expectation becomes manifest in the form of a sparsely watered cactus; a lemon resting on its curvature retains the special glow of a day, a friend in a state of confidence dozes in a comfortable armchair, the shimmering colours of a bottle of Listerine revive a sense of wonder.
1 Jean Giono, in Jean Giono s'entretient avec Claude Santelli, series « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [our translation], Emanuele Coccia, Filosofia della casa. Lo spazio domestico e la felicità, Einaudi, 2021, p. 92
5. Interview with artist Chloé Bensahel, June 17, 2021
6. Interview with artist Nils Köpfer, June 29, 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021
Livia Parmantier
Nils Köpfer, Untitled (Chorin), oil on linen, 150x110 cm
Le Bonheur curated by
Livia Parmantier
with artists : Chloé Bensahel, Alizée Gazeau, Charles Hascoët, Nils Köpfer, Bianca Lee Vasquez, Ornaghi Prestinari, Eleonora Santucci
Interface, exhibition views
Alizée Gazeau, Phaéthon Partie III, 2021, sewn together rhombuses made of cotton muslin, pieces of an old horse saddle, variable dimensions
Ornaghi & Prestinari, Chapeau, 2016, alabaster and beer bottle, 25x7 (diameter) cm
Ornaghi & Prestinari, Funambolo, 2018, alabaster, 9x2,5x1 cm
Charles Hascöet, Citron, 2021, oil on canvas, 18x13 cm
Charles Hascöet, Hugo, 2021, Cactus, 2018, oil on canvas, 30x24 cm
Eleonora Santucci, Les Maisons que j'habite (The Houses I live in), 2021, colored pen on Canson paper, 21x29,7 cm
Bianca Lee Vasquez, Soil High Series, 2021, glazed stoneware, dirt, soil bugs, water, oil, hot plate, upholstered cushions, variable dimensions
Chloé Bensahel, Flowers they called weeds, 2021, paper tapestry, linen, wool, 70x100 cm
FR
Dans une interview de 1965, l’écrivain français Jean Giono exprimait sa vision du bonheur. « Le bonheur est à côté » 1, disait-il, il peut naître d’instants du quotidien parfois insignifiants et selon des prédispositions personnelles inexplicables : « une feuille de papier qui glisse bien » 2 au moment de l’écriture, « un travail bien huilé » 3, un ressenti particulier, la vue d’un objet, d’un paysage, peuvent devenir les catalyseurs d’une telle sensation. Ces moments apportent une profondeur supplémentaire au présent, aux choses telles qu’elles sont. Ils ouvrent à un ailleurs que le regard habituel ne perçoit pas. Cette exposition présente les œuvres d’artistes ayant retenu de tels instants.
L’espace du jardin accueille Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau. L’œuvre fait suite à deux précédentes versions de cette composition. Un tissu constitué de formes de losanges et d’écailles de cuir cousues, prend place dans l’espace extérieur et forme un ensemble dont la surface est traversée par la lumière, les feuilles, les ombres de la journée, les oiseaux. Elle évoque un état intérieur suspendu entre la terre et le ciel. L’expérience d’une « absence parallèle à la présence » 4 associée à des moments de divagation, de lecture ou d’endormissement, dans lesquels on s’extrait des dynamiques du monde.
Bianca Lee Vasquez explore les pouvoirs thérapeutiques de la terre. Soil High Series introduit dans l'espace d'exposition une portion de terre de compost fertile sur laquelle sont installées des figures en céramique. Une substance développée par l'artiste, composée d'un mélange de produits commerciaux existants et porteurs d'une bactérie active de la terre, est diffusée dans l'espace d'exposition. Une découverte récente sur les microbes du sol et la santé mentale a mis en évidence la capacité de la mycobacterium vaccae présente dans le sol à générer un sentiment de bonheur en augmentant les niveaux de sérotonine et de noradrénaline. En vertu de l'inhalation, l'œuvre d'art intègrera littéralement le corps du spectateur. L'installation sera activée par une performance de l'artiste.
Les tapisseries de Chloé Bensahel jouent sur le passage du visible à l’invisible. Une poésie rédigée sur des lamelles de papier japonais est encapsulée sur toute la longueur du fil de tissage. Des fragments de textes s’en échappent et parsèment la surface du tissu de variations chromatiques aléatoires. La poésie est présente mais ne peut être lue. Une fraction de texte apparaît au bout de la tapisserie, ou sur sa surface pour laisser une part d’interprétation au spectateur. « L’ambiguïté de lecture et d’interprétation » 5 à laquelle nous sommes souvent confrontés dans notre rapport au monde, provoque un inconfort que les œuvres invitent à apprivoiser.
Untitled (Chorin) de Nils Köpfer évoque les contours flous d’un paysage vu depuis un intérieur. L’image renvoie à une fugue hors du réel, comme celle d’un enfant qui plisserait les yeux pour réinventer le monde, ou la trace d’un souvenir lointain remodelé par la mémoire subjective. La pratique de la peinture est vécue par l’artiste comme un refuge, un espace qui s’entretient par petites touches « comme un jardin » 6. L’architecture ouverte sur l’extérieur évoque l’interpénétration entre la pratique picturale et le lien à la nature.
L’architecte Eleonora Santucci présente Les maisons que j’habite, une série de croquis initiée en mars 2020. Dans un effort de mémoire, l’architecte a reconstruit la structure de chaque pièce, meuble et détails des appartements où elle a vécu depuis qu’elle a quitté le domicile familial. « Représenter ces intérieurs était comme dessiner les lieux qui me définissent, où chaque pièce est un monde en soi » 7. Cette série de croquis se présente comme un remède au renoncement des espaces de vie qui nous ont constitué.
Les œuvres du duo Ornaghi & Prestinari investissent l’espace comme des ponctuations. Funambolo, une pince à linge en albâtre suspendue sur un fil tendu, semble parler pour nous. Comme une « poésie visuelle », elle condense dans sa forme un sentiment d’équilibre précaire et de doute existentiel. Chapeau prend discrètement la forme d’un bouchon en albâtre posé sur une bouteille de bière. Les objets manipulés et laissés après utilisation racontent à leur façon le cadre d’une scène de vie, d’une interaction sociale dont ils conservent la trace.
Les peintures de Charles Hascoët présentent des fragments de scène de vie dans de petits formats qui incitent au rapprochement. Les objets et les individus représentés semblent être animés par une volonté secrète et préservent dans leur contour le regard qu’on aurait porté sur eux. Un sentiment d’attente se manifeste sous la forme d’un cactus peu arrosé ; un citron posé sur ses rondeurs retient l’éclat particulier d’une journée ; un ami en état de confiance s’assoupit dans un fauteuil confortable ; les couleurs chatoyantes d’une bouteille de Listerine ravive un sentiment d’émerveillement.
1 Jean Giono, dans Jean Giono s'entretient avec Claude Santelli, émission « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [notre traduction], Ibidem, p. 92
5 Entretien avec l’artiste Chloé Bensahel, 17 juin 2021
6 Entretien avec l’artiste Nils Köpfer, 29 juin 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021
Livia Parmantier
DE
In einem Interview aus dem Jahr 1965 formulierte der französische Schriftsteller Jean Giono seine Vision vom Glück. “Glück ist gleich nebenan" 1, sagte er, es kann aus alltäglichen Momenten entstehen, die oft scheinbar unbedeutend und von unerklärlichen persönlichen Vorlieben abhängig sind: "ein Blatt Papier, das gut gleitet" 2 beim Schreiben, "eine gut ausgeführte handwerkliche Arbeit" 3, der Anblick eines Gegenstandes, einer Landschaft, können zu Katalysatoren eines solchen Gefühls werden. Diese Momente geben der Gegenwart, den Dingen, wie sie sind, eine zusätzliche Tiefe. Sie verweisen auf ein Anderswo, das dem gewöhnlichen Blick entgeht. In dieser Ausstellung werden künstlerische Arbeiten gezeigt, in denen solche Momente fixiert sind.
Im Gartenraum befindet sich Phaethon Part III, eine Installation von Alizée Gazeau. Die Installation folgt auf zwei frühere Versionen dieser Komposition. Die aus Rauten in Baumwolle und Leder genähte Struktur, deren Oberfläche vom Licht, den Blättern, den Schatten des Tages und den Vögeln durchzogen wird, bildet eine Entität außerhalb des Ausstellungsraumes. Sie evoziert einen inneren Zustand, der zwischen Erde und Himmel schwebt, eine Erfahrung von "Abwesenheit parallel zur Anwesenheit" 4, die sich in Momenten des Umherschweifens, des Lesens oder des Einschlafens einstellen kann, in denen man sich der Dynamik der Welt entzieht.
Bianca Lee Vasquez‘ künstlerische Forschung beschäftigt sich mit den therapeutischen Kräften von Schmutz. Mit Soil High Series kommt eine Portion fruchtbare Komposterde in den Ausstellungsraum, auf der Figuren aus gebranntem Ton installiert sind. Eine von der Künstlerin entwickelte Substanz bestehend aus einer Mischung kommerzieller Produkte, in denen aktive Bakterien enthalten sind, wird im Raum verteilt. Bei Experimenten zum Zusammenhang von Bodenmikroben und psychischer Gesundheit stellte sich kürzlich heraus, dass das im Boden vorhandene Mycobacterium vaccae das Potential besitzt, durch Steigerung des Serotonin- und Noradrenalinspiegels Glücksgefühle zu erzeugen. Durch Einatmen wird das Kunstwerk buchstäblich im Körper des Betrachters präsent sein. Die Installation wird durch eine Performance der Künstlerin eingeleitet.
Die Wandteppiche von Chloé Bensahel spielen mit dem Übergang vom Sichtbaren zum Unsichtbaren. Auf Streifen aus Japanpapier geschriebene Gedichte sind über die gesamte Länge in den Webfaden eingearbeitet. Textfragmente entweichen daraus und punktieren die Oberfläche des Gewebes mit zufälligen chromatischen Variationen. Die Poesie ist vorhanden, aber nicht lesbar. Reste des Geschriebenen erscheinen am Ende des Wandteppichs oder auf der Oberfläche des Gewebes und überlassen dem Betrachter einen Teil zur Interpretation. Die "Mehrdeutigkeit des Lesens und Interpretierens" 5, mit der wir in unserer Beziehung zur Welt oft konfrontiert sind, provoziert ein Unbehagen, zu dessen Zähmung uns diese Arbeiten einladen.
Untitled (Chorin) von Nils Köpfer erinnert an die verschwommenen Konturen einer Landschaft die von einem Innenraum aus gesehen wird. Das Bild bezieht sich auf eine Flucht aus der Realität; wie die eines Kindes, das blinzeln würde, um die Welt neu zu erfinden, oder die Spur einer fernen Erinnerung, die durch Subjektivität umgestaltet wurde. Malerei wird von Köpfer als ein Refugium erlebt, ein Raum, der durch kleine Eingriffe "wie ein Garten" 6 gepflegt wird. Die nach außen offene Architektur verweist auf eine Verflechtung der malerischen Praxis und eine Verbindung zur Natur.
Die Architektin Eleonora Santucci präsentiert Les maisons que j'habite (Die Häuser, in denen ich lebe), eine Serie von Skizzen, die im März 2020 begonnen wurde. Sich nur auf ihr Gedächtnis verlassend, rekonstruiert sie die Struktur jedes Zimmers, jedes Möbelstücks und jedes Details der Wohnungen, in denen sie seit dem Verlassen ihres Elternhauses gelebt hat. "Diese Interieurs darzustellen bedeutete, die Orte zu zeichnen, die mich definieren, wobei jeder Raum eine Welt für sich ist." 7 Diese Serie von Skizzen ist als Mittel gegen den Verlust der Wohnräume, die uns konstituiert haben, gedacht.
Die Arbeiten des Duos Ornaghi & Prestinari versehen dn Raum gleichsam mit Satzzeichen. Funambolo, eine Wäscheklammer aus Alabaster, die an einem gespannten Draht hängt, scheint für uns zu sprechen. Als visuelle Poesie verdichtet sie in ihrer Form ein Gefühl von prekärem Gleichgewicht und existenziellem Zweifel. Chapeau nimmt dezent die Form eines Alabasterkronkorkens an, der auf eine Bierflasche gesetzt wird. Die manipulierten und nach Gebrauch zurückgelassenen Objekte suggerieren auf ihre Weise den Rahmen einer Szene aus dem Leben, einer sozialen Interaktion, von der sie eine Spur bewahren.
Charles Hascoëts kleinformatige Gemälde zeigen Fragmente von Alltagsszenen, die zum genauen Hinsehen animieren. Die dargestellten Gegenstände und Personen scheinen von einem geheimen Willen beseelt zu sein und tragen in ihrer Kontur den Blick, den man auf sie geworfen hätte. Ein Gefühl der Erwartung manifestiert sich in Form eines spärlich gegossenen Kaktus; eine auf ihrer Wölbung ruhende Zitrone bewahrt den besonderen Glanz eines Tages, ein Freund döst vertrauensvoll in einem bequemen Sessel, die schimmernden Farben einer Listerine-Flasche vermitteln ein Gefühl des Staunens.
1 Jean Giono, in Jean Giono s'entretient avec Claude Santelli, émission « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [notre traduction], Ibidem, p. 92
5 Chloé Bensahel, 17 juin 2021
6 Nils Köpfer, 29 juin 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021
Livia Parmantier
EN
In a 1965 interview, the French writer Jean Giono expressed his vision of happiness. "Happiness is aside" 1, he said, it can be born from everyday moments, often seemingly insignificant and dependent on inexplicable personal predispositions: "a sheet of paper that slips well" 2 when writing, "a well executed piece of work" 3, a particular feeling, the sight of an object, of a landscape, can become the catalysts of such a feeling. These moments bring an additional depth to the present, to things as they are. They open to an elsewhere that the usual glance does not perceive. This exhibition presents the works of artists who have retained such instants.
The garden hosts Phaethon Part III, an installation by Alizée Gazeau. This composition is the third iteration of the artwork. A fabric made of rhombuses and sewn leather scales located outside the exhibition space forms a surface crossed by the light, the leaves, the shadows of the day, the birds. It evokes an inner state suspended between the earth and the sky, the experience of an "absence parallel to presence" 4 associated with moments of rambling, reading or falling asleep, in which one extracts themselves from the dynamics of the world.
Bianca Lee Vasquez explores the therapeutic powers of dirt. Soil High Series brings into the exhibition space a portion of fertile compost soil on which fired clay figures are installed. A substance developed by the artist, composed of soil and readily accessible commercial products which carry an active dirt bacterium, is diffused across the exhibition space. A recent discovery concerning soil microbes and mental health has highlighted the ability of mycobacterium vaccae present in soil to create a feeling of happiness by boosting the levels of serotonin and norepinephrine. By virtue of inhalation the artwork will literally be present in the body of the viewer. The installation will be activated by a performance by the artist.
Chloé Bensahel's tapestries play on the passage from the visible to the invisible. Poems written on strips of Japanese paper are encapsulated along the entire length of the weaving thread. Fragments of text escape from it and dot the surface of the fabric with random chromatic variations. The poetry is present but cannot be read. A fraction of text appears at the end of the tapestry or on the surface of the fabric to leave a part of interpretation to the spectator. The "ambiguity of reading and interpretation" 5 that we are often confronted with in our relationship to the world provokes a discomfort that these works invite us to tame.
Untitled (Chorin) by Nils Köpfer evokes the blurred contours of a landscape seen from an interior. The image refers to an escape from reality, like that of a child who would squint in order to reinvent the world, or the trace of a distant memory reshaped by subjectivity. Painting is experienced by the artist as a refuge, a space that is maintained by small touches "like a garden" 6. Open to the outside, he architecture points to an interconnectedness between the pictorial practice and the link to nature.
Architect Eleonora Santucci presents Les maisons que j’habite (The Houses I Live In), a series of sketches initiated in March 2020. Relying on her memory only, the architect reconstructed the structure of each room, piece of furniture and details of the apartments she has lived in since leaving her family home. "Representing these interiors meant drawing the places that define me, where each room is a world in itself." 7 This series of sketches acts as a remedy to having renounced the living spaces that once constituted us.
The works of the duo Ornaghi & Prestinari punctuate the exhibition space. Funambolo, an alabaster clothespin suspended on a taut wire, seems to speak for us. Like a "visual poetry", it condenses in its form a feeling of precarious balance and existential doubt. Chapeau discreetly takes on the form of an alabaster cork placed on a beer bottle. The objects manipulated and left after use suggest in their own way the frame of a life scene and preserve the trace of a social interaction.
Charles Hascoët's paintings present fragments of life scenes in small formats that incite us to look closer. The objects and individuals represented seem to be animated by a secret will and carry in their contour the look that one would have cast on them. A sense of expectation becomes manifest in the form of a sparsely watered cactus; a lemon resting on its curvature retains the special glow of a day, a friend in a state of confidence dozes in a comfortable armchair, the shimmering colours of a bottle of Listerine revive a sense of wonder.
1 Jean Giono, in Jean Giono s'entretient avec Claude Santelli, series « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [our translation], Emanuele Coccia, Filosofia della casa. Lo spazio domestico e la felicità, Einaudi, 2021, p. 92
5. Interview with artist Chloé Bensahel, June 17, 2021
6. Interview with artist Nils Köpfer, June 29, 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021
Livia Parmantier
Nils Köpfer, Untitled (Chorin), oil on linen, 150x110 cm
Le Bonheur curated by
Livia Parmantier
with artists : Chloé Bensahel, Alizée Gazeau, Charles Hascoët, Nils Köpfer, Bianca Lee Vasquez, Ornaghi Prestinari, Eleonora Santucci
Interface, exhibition views
Alizée Gazeau, Phaéthon Partie III, 2021, sewn together rhombuses made of cotton muslin, pieces of an old horse saddle, variable dimensions
Ornaghi & Prestinari, Chapeau, 2016, alabaster and beer bottle, 25x7 (diameter) cm
Ornaghi & Prestinari, Funambolo, 2018, alabaster, 9x2,5x1 cm
Charles Hascöet, Citron, 2021, oil on canvas, 18x13 cm
Charles Hascöet, Hugo, 2021, Cactus, 2018, oil on canvas, 30x24 cm
Eleonora Santucci, Les Maisons que j'habite (The Houses I live in), 2021, colored pen on Canson paper, 21x29,7 cm
Bianca Lee Vasquez, Soil High Series, 2021, glazed stoneware, dirt, soil bugs, water, oil, hot plate, upholstered cushions, variable dimensions
Chloé Bensahel, Flowers they called weeds, 2021, paper tapestry, linen, wool, 70x100 cm